
Année Zéro #2
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Interview MB14
Rencontre avec l'artiste MB14 - Février 2023

Vous avez clairement magnifié l’art du beatbox, le rendant populaire et plus mélodieux que jamais. Comment on devient un beatboxer incontesté ?
C’est marrant, j’ai longtemps eu des complexes par rapport au beatboxs. Ado, j’aimais faire des bruits avec ma bouche, des imitations de dessin animé, de jeux vidéo. J’ai énormément regardé de vidéos de beatbox jusqu’à en devenir accro. Quand vous progressez, ça crée un cercle vertueux avec votre cerveau. Ça génère de la dopamine et plus vous progressez plus vous avez envie de progresser… Et là c’était parti, fini pour moi.
Vous avez toujours été soutenu dans cette démarche, par vos proches ?
Oui et non. Seul chez soi, on n’ennuie personne. Mais quand on fait des bruits et qu’on ne s’en rend même plus compte, ça peut saouler les gens. Le beatbox, c’est plutôt valorisant quand on voit les réactions surprises chez les gens, mais aussi, au quotidien, ça peut pénaliser. Par moments, mes parents m’engueulaient. Au début, ce sont des bruits hasardeux, peu maîtrisés. Loin d’un art. Mais à force de persévérance… J’ai souvent beatboxé en soirée pour impressionner, faire rire. Je ne sais pas pourquoi mais ça fascine. Le cerveau a du mal à comprendre ; c’est comme un tour de magie. Socialement, ça m’a aidé à rencontrer d’autres artistes, à séduire des filles, à faire des concerts, à devenir attractif… J’ai beaucoup bossé le beatbox au lycée, avant de m’intéresser au chant. C’est devenu une addiction, au sens où quand je n’utilise pas ma voix, je m’sens mal. Je pense que le chant et le beatbox m’ont canalisé.
A quel moment de votre vie avez-vous senti que la musique allait vous faire basculer dans un métier à temps plein ?
Je l’ai senti très vite, au lycée. J’avais deux passions de vie : devenir acteur et/ou musicien. J’ai même voulu devenir acteur avant musicien, je regardé énormément de films et je mettais inscrit au théâtre. J’ai très vite compris que si je n’épousais pas une carrière artistique, ça n’allait pas me rendre heureux. J’ai toujours eu besoin de liberté…
Maintenant, le fait de pouvoir en vivre, c’est arrivé plus tard. C’est au moment de participer à The Voice, quand ça a été diffusé en 2016. Là j’ai gagné ma vie. Avant, je vivotais à partir de plans à droite, à gauche. Ça a toujours été légal (rires) ! J’ai un peu baroudé…
Est-ce que The Voice a vraiment changé votre vie ?
J’ai pu me payer un loyer, enchaîner des concerts avec mon ancien groupe de beatbox. 2016, c’est l’année du décollage, du lancement de ma carrière à proprement parler. Avant, c’était de la formation, des battles de beatbox, etc. Je faisais des p’tits trucs. Donc oui, ça a changé ma vie. Encore aujourd’hui des vidéos sont postées sur TikTok à travers le monde entier et ça génère des millions de vues… ça m’a permis de beaucoup voyager, en France comme à l’étranger : Nouvelle-Calédonie, Bolivie, Equateur… Je suis même allé au Caire, sur invitation de Dubai TV. Me dire que la musique et The Voice m’ont emmené jusqu’aux pyramides de Gizeh. J’suis tellement reconnaissant… Je suis venu dans l’émission avec quelque chose d’atypique mais les gens m’ont propulsé en finale. C’est incroyable.
Comment avez-vous accueilli l’idée de participer à un festival naissant : Année Zéro, à Bernay ?
C’est stylé, intéressant et une bonne idée de nom. Après, c’est un plaisir d’être programmé dans un festival, ça veut dire qu’on me fait confiance alors que c’est toujours un risque de parier sur un art un peu hybride. Je n’ai pas vendu des millions d’albums. Je suis conscient que c’est surtout la performance qui sera recherchée. De me laisser sur scène, seul, avec une machine à faire des bruits. Le plaisir aussi de rencontrer un nouveau public : ça me permet de tester ce que je fais. Je reste toujours surpris de voir à quel point le beatbox peut plaire aux gens !
Vous performez souvent dans des lieux insolites ?
J’ai joué dans plein de lieux différents, des péniches, sur un lac où on m’a emmené en barque pour jouer au milieu de l’eau sur une sorte de pilotis. Les spectateurs étaient sur la rive, à 15 m en face de moi ! L’important, c’est que le son soit de bonne qualité. Et c’est vrai que les lieux sacrés [l’abbatiale de Bernay est désacralisée, NDLR], ça me touche beaucoup. Je suis très branché spiritualité, sans être croyant particulièrement. Par contre l’atmosphère des lieux religieux, la richesse architecturale, etc., ça me parle. Par exemple les chants latins du XIIIe siècle, ça me touche énormément, parce qu’il y a quelque chose dans la voix, la mélodie (…) des émotions transcendantales. Des chants hébreux, araméens, corses. Le sacré dans la musique, ça me touche donc jouer dans des lieux chargés d’histoire, ça me plaît. Par exemple, y’a quelques mois, j’ai performé dans les grandes écuries du château de Chantilly (événement privé). Grande nef, grandes arcades gothiques : le son était ouf et se répercutait sur toutes les parois du bâtiment. Techniquement, pour le looping, c’est pas extra, mais ce son qui se répercute, au final, c’est magnifique.
C’est quoi vos astuces pour entretenir votre voix ?
L’entraînement, en travaillant sur l’élasticité de la voix. Comme pour un gymnase qui doit entretenir sa souplesse pour éviter les accidents. Plus on est souple, moins on risque de se blesser. La voix, c’est pareil. Plus on travaille son amplitude vocale et plus il sera facile de faire des acrobaties avec. Ensuite, le plus important, c’est l’hygiène de vie. Bien dormir, beaucoup boire, éviter de fumer, de prendre de la drogue… Sinon on ruine sa voix. C’est fragile, il faut en prendre soin. La veille des concerts, je ne sors pas. J’ai appris à être rigoureux. C’est de l’athlétisme vocal. J’essaie, le jour d’un concert, de rester seul, pour ne pas épuiser ma voix. Je me préserve, je garde mon énergie pour faire un bon concert et que les spectateurs le ressentent.
Votre pire galère dans le métier ?
Pas de pire galère mais je mets en garde car on n’est jamais préparé à autant de notoriété d’un coup quand on sort d’une émission comme The Voice. Même à mon échelle (je n’ai pas la notoriété de Maître Gim’s), ça peut être très lourd à porter. L’industrie de la musique, le monde du spectacle, l’argent autour de ça, quand on arrive comme moi à 21 ans à The Voice, c’est très jeune, on est inexpérimenté. La notoriété que l’on dégage dans une émission, elle n’est pas proportionnelle au travail qu’on a fourni. Quand on arrive, on n’est personne. On n'a pas de carrière derrière soi, pas d’album qui rend légitime. Et pour des raisons x ou y, il y a beaucoup de personnes qui n’arrivent pas franchir le cap de l’après-The Voice. Le contre-exemple, c’est Louane qui a explosé le plafond de verre de The Voice en menant une carrière de notoriété supérieure à ses prestations dans l’émission. Mais y’en a très peu… Le danger est d’être connu de tous dans la rue pour son passage à la télé, mais pas reconnu en qualité d’artiste réellement.
Quelles sont vos préférences musicales ?
Globalement, c’est du hip-hop. Beaucoup d’opéra : j’en écoute tous les jours. C’est par vagues. Reggae, pop, pop-rock (Phil Collins), Led Zeppelin… Parmi les artistes français : Maître Gim’s, Orelsan, Sexion d’assaut ; à l’international : Stromae, Ed Sheeran, Charlie Puth… Je m’intéresse aux artistes pour leur voix.
Vous êtes lancé dans une nouvelle carrière, celle d’acteur. Comment avez-vous géré ce tourbillon médiatique autour de votre prestation dans Ténor ?
Je ne sais pas si on peut appeler ça un tourbillon, mais ça a été intense, surtout pendant la promo : beaucoup d’interviews, passages presse, avant-premières partout en France… Un mois et demi éprouvant, la durée de la promo du film, et j’ai tourné aussi dans le clip de la B.O au même moment. Encore une fois, ça reste une chance de vivre ça. La difficulté, c’est de pouvoir jongler avec son agenda de vie perso. Passer des journées entières en train, ça fait partie du job.
Est-ce une simple parenthèse ce film ?
Dans la musique, on est plus autonome. Dans le cinéma, il y a une part d’incertitude, d’aléatoire : y’a beaucoup d’appelés pour très peu d’élus. Des castings, il n’y en a pas toutes les semaines. Maintenant j’ai vraiment envie de continuer aussi en tant qu’acteur…
Avez-vous des projets dans les cartons ?
Rien pour l’instant. Je me ressource, je fais de la musique chez moi. J’ai des concerts prévus cette année, mais le but c’est de lever le pied pour travailler ma voix, créer des morceaux. Je ne veux pas stagner artistiquement et me contenter d’engranger des concerts, donc je mets le frein pour créer.
Plus généralement, qu’est-ce qui vous fait peur dans la vie ? Et avez-vous traversé des périodes de doute ?
Oui, beaucoup, comme tout le monde. J’ai travaillé sur moi pour arrêter d’avoir peur. Le pire, dans la vie, c’est d’avoir des attentes. Le meilleur moyen de souffrir, c’est d’attendre que les choses se passent comme on voudrait qu’elles se passent. Mauvais calcul : il faut agir et rien attendre en retour. C’est bien d’avoir des objectifs pour avancer, mais il faut comprendre que personne ne nous attend, surtout dans la musique. Le monde ne nous doit rien. Le temps passe très vite. On a tous un temps de vie restreint sur terre. J’ai beaucoup travaillé cette question pour ne plus être dans la peur, mais plutôt dans la paix, la gratitude. Il faut arrêter de croire que des choses nous sont dues, et comme ça chaque bonne chose se vit presque comme un cadeau. La peur, ça peut flinguer le cerveau et avoir un mauvais impact énergétique sur les personnes.
Quel est votre rapport à la technologie ?
Globalement, ça fait partie de l’être humain de chercher à améliorer, à optimiser des choses grâce au progrès technologique. Personnellement je suis très reconnaissant de vivre à notre époque. Je joue sur une machine qui n’existait pas il y 20 ans. Sans internet, sans YouTube, sans ordi… je n’aurai pas appris et progressé dans la musique. Arrêtons de dire : c’était mieux avant. La technologie n’est ni bonne ni mauvaise, c’est ce qu’en font les gens le problème. On a tendance à remettre la faute de nos échecs sur la technologie. Mais c’est une bénédiction d’avoir des machines capables de soigner, de nous transporter à l’autre bout du monde.
Si vous aviez un don surnaturel ?
Je volerais dans les airs, pour avoir la liberté d’aller où je veux, quand je veux, sans contraintes matérielles.